Le Togo est un petit pays francophone de seulement 7 millions d’habitants, niché entre le Ghana, le Bénin et le Nigeria. Et où les les initiatives et les évènements en faveur de l’innovation fleurissent et poussent comme des champignons : dans la galaxie internationale du mouvement FabLab et « Do It Yourself », le Togo, en dépit de moyens modestes, est souvent mis en avant pour son rôle pionnier en Afrique. Avec en figure de proue le Woelab, FabLab pionnier en Afrique de l’Ouest, dont la réputation a rapidement franchit les frontières du petit Togo pour rayonner rapidement sur toute l’Afrique de l’Ouest mais aussi au-delà, dans les HackerSpaces d’Europe et d’Amérique du Nord. Et qui a véritablement positionné Lomé comme étant la capitale africaine du « Do It Yourself ». Senamé Koffi, le fondateur du Woelab s’exprimait récemment dans nos colonnes pour faire un bilan lors de notre passage au Woelab, à Lomé, dans le cadre de #TECHAfrique.
Depuis 2014, de nouveaux tiers lieux viennent étoffer la scène tech togolaise, et c’est le cas de Minodoo, un nouvel espace qui «sensibilise les jeunes à l’entrepreneuriat numérique et organise ateliers, formations et conférences dans plusieurs villes et régions du Togo, de manière itinérante » précise Edem Alomatsi, l’un des cofondateurs. Nous avions rencontré Edem lors de notre mission au Togo il y a quelques mois déjà. Nous lui avons donné la parole pour mettre en lumière son nouveau Tiers lieux. Interview et éclairages.
StartupBRICS : Hello Edem ! Tu as récemment animé le forum InnovAfrica à Lomé, peux tu revenir sur cet évènements, les projets phares présentés ainsi que les enseignements retenus pour la suite ?
Minodoo : Hello Samir, merci pour cette opportunité que tu nous donne pour parler des avancées technologiques au Togo ces derniers moments. En effet du 24 au 28 Novembre dernier, c’est tenu à Lomé la 6ième édition du forum InnovAfrica. InnovAfrica est un évènement annuel qui réunit pendant une semaine toutes les communautés techs africaines, les porteurs de projets africains et d’ailleurs autours des projets liés aux innovations socio-technologiques.
Cette édition de Lomé a rassemblé plus de 150 participants venus de 15 pays de par le monde entier. Les participants ont travaillé sur 45 projets collectifs qui touchent les domaines de la santé, de l’agronomie, des énergies renouvelables, de la cartographie libre avec OpenStreetMap, de l’audio-visuel avec le groupe Kino-Afrique et aussi de la domotique et de mini-drone. Comme projets phares initiés je peux citer :
-Bénin Agri-women une application mobile qui met en relation les producteurs agricoles et les acheteurs
-les fours solaires en Mauritanie : du soleil pour chauffer directement les aliments sans combustibles
-un projet de village virtuel pour rassembler tous les acteurs au service des habitants des zones rurales grâce à la fois à des outils de télémédecine et une valise de diagnostique sur le terrain
-un projet de cartographie sur la sous-région africaine se propose d’utiliser un drone pour améliorer / complèter les images aériennes pour cartographier les pays. Ce projet permettra également de la formation et du partage entre communautés.
Vous trouverez le compte rendu détaillé de l’événement sur ce lien : http://innovafrica.org/fr/forum/lome-2014/resultats/
L’une des particularités de cette édition est l’éclosion d’une série de projets de création de Fablab dans plusieurs pays d’Afrique. C’est en réalité des jeunes innovateurs qui grâce à InnovAfrica ont découvert les espaces de travail collaboratif et d’intelligence collectif, et ont décidé volontairement d’en créer un dans leur pays/territoire de provenance. Ils emboîtent ainsi le pas au Ouagalab, premier fablab ouest-africain développé en 2011 par la communauté d’innovateurs Burkinabés après leur participation à l’édition 2011 d’innovAfrica tenu à Ouagadougou au burkinafaso. Pour cette année 2015 des fablab seront en développement au Bénin, au Niger, au Mali et au Togo.
StartupBRICS : Y avait il des thématiques phares ? La question du rôle des communautés OpenStreetMap dans la lutte contre Ebola fut probablement au coeur des discussions, comment utiliser le numérique pour répondre aux urgences sanitaires, comme avec le projet Map4Ebola ?
Minodoo : Map4Ebola n’est pas un projet ! C’est la reponse de la communauté OSM mondiale à la crise Ebola, qui a utilisé ce hashtag. La communauté OSM mondiale, avec HOT sa déclinaison humanitaire, qui a reçu une demande de cartographie de la part de Médecins Sans Frontières de la république de la Guinée pour les besoins de logistiques et de localisation de cas détectés. Avec le Gestionnaire des Taches de HOT, des zones de cartographie sur la Guinée ont été créées pour demander aux contributeurs OSM de les cartographie. Le hashtag #Map4Ebola a beaucoup été utilisé, chaque “changset” (groupe de modification allant dans la base OSM) a été commenté en utilisant ce hashtag.
En Afrique francophone, des cartoparties (Lomé, Abidjan et Bamako) organisées par le Projet Espace OpenStreetMap Francophone (@ProjetEOF) et les différentes communautés OSM (Sénégal, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Bénin, Niger) ont porté la contribution ouest-africaine en terme de cartographie sur cette crise Ebola.
Il faut dire que d’une manière générale, les cartes servent à faire le suivi des épidémies, leur progression. Ce qui est utile pour circonscrire la maladie. Les Humanitaires qui sont déployés sur les terrains de crises en général manquent de données spatiales pour réaliser des cartes et faire le suivi. C’est en cela que les communautés du ProjetEOF ( Espace Osm Francophone), ont initiées ces séries de mapathons afin d’apporter leur soutien et leur contribution à la maîtrise de cette maladie qui sévit surtout sur le continent africain et plus précisément en Afrique de l’ouest.
Ces cartes/données géographiques produites font ressortir l’ensemble du réseau routier, les zones ou espaces susceptibles de faire office de pistes d’atterrissages de petits appareils comme les hélicoptères. Et c’est en cela que ces contributions sont véritablement importantes.
Avoir une base de données à jour qui contient l’ensemble du réseau routier, les zones susceptibles de faire office de pistes d’atterrissages, recenser les petites localités qui sont généralement les zones à risques de contaminations, car les systèmes sanitaires de nos États au sud du Sahara sont peu efficaces et arrivent rarement à couvrir ces petites localités isolées. Avoir une base de données la plus exhaustive possible, et de bonne qualité en terme de précision, voilà comment le numérique, à travers OpenStreetMap en général et le mapathon Map4Ebola conçu par les communautés Ouest Africaine du Projet EOF peut aider à gérer cette question de l’épidémie de la maladie à virus Ebola.
StartupBRICS : Minodoo est un nouveau tiers lieu togolais que tu as cofondé en 2014, quel est votre rôle sur la scène tech togolaise ?
Minodoo : Minodoo c’est avant tout une communauté de jeunes dynamiques regroupés autour des valeurs de partage, du travail collaboratif, et de l’engagement citoyen à travers les TICs mais aussi de l’entrepreneuriat jeune. Imaginé sous le modèle de tiers-lieu, ces espaces de Co-création et d’appropriation de l’outil numérique, nous explorons des alternatives bien pensées pour une Afrique Numérique Émergente, dont la » Technologie Porte-à-Porte » entre autres, en tenant compte des réalités du continent, et aussi de notre pays le Togo. Nous sommes convaincus qu’un réel développement est possible grâce à des actions communautaires visant à impacter au maximum notre entourage dans un esprit positif à travers les nouvelles technologies et l’innovation sociale. Par nos modestes initiatives et nos projets, nous pensons contribuer à faire émerger partout au Togo et en Afrique des jeunes talents capables de trouver des solutions faces aux défis de nos sociétés actuelles.
A minodoo nous fonctionnons selon un modèle nomade, avec l’envie d’organiser des tiers-lieux éphémères : des ateliers, formations, conférences et/ou non-conférences dans les quartiers, villes et régions du Togo en impliquant les communautés locales dans la résolution des problèmes qu’elles rencontrent au quotidien avec des approches technologiques et novatrices. En bref, nous faisons ce qu’il convient de nommer ici de “la technologie porte-à-porte”.
StartupBRICS : Accompagnez déjà des startups et si oui peux tu nous en décrire quelques unes ?
Minodoo : Un volet du projet minodoo tel qu’il était pensé au départ, concerne l’entrepreneuriat jeune à travers les TICs. Une invention ne devient une innovation que lorsqu’elle arrive à prendre une portée sociale et économique de manière à faire vivre son/ses concepteurs. Ceci dit, nous ne sommes pas un incubateur, du moins on ne se réclame pas l’être. Il s’agit plutôt des jeunes entrepreneurs membres de notre communauté qui portent des projets d’entreprenrise sur lesquels nous travaillons ensemble et de façon horizontale.
En effet à minodoo nous travaillons depuis nos débuts sur deux startups innovantes basées sur des technologies/projets open-sources et/ou libres en s’appuyant sur les compétences locales que nous avons dans la communauté, et quelques fois en faisant recours à des compétences d’entreprises ou de personnes externes.
O’GIS, est la toute première née des startups sur lesquelles nous travaillons. Il s’agit d’une Startup d’innovation créée en 2013 et qui travaille dans le secteur des Systèmes d’Informations Géographiques (SIG), disons simplement la cartographie numérique innovante. D’aucun parlerons de géomatique. Bien. Les SIG (ou la géomatique si vous voulez) concernent la collecte, l’analyse et la visualisation des données géographiques pour en dégager une sens. Les SIG favorisent par ailleurs l’édition des cartes d’aides à la décision tels que : état de la voirie, état des différents réseaux, état de l’occupation du sol ainsi que l’aide au travail des techniciens et des responsables dans la gestion de l’aménagement de l’espace et de l’environnement. O’GIS encourage et travaille fortement à la libération des données publiques selon le modèle Open data / Open source, et utilise elle-même les nouveaux outils des Systèmes d’Information Géographique, contrairement aux traditionnelles boîtes qui travaillent dans ce domaine.
Nous faisons des prestations de services SIG, notamment la réalisation de cartes géographiques sur mesure : support numérique et physique, développement d’applications SIG, des formations et conseils sur les SIG, organisation et coordination des chantiers d’enquête et de collecte de données avec la technologie GPS à l’appui, la géolocalisation… entre autres.
Il faut dire que O’GIS fait calmement son parcours. D’abord en octobre 2013, nous étions finalistes et sélectionnés parmi les 10 meilleurs projets au Forum des Jeunes Entrepreneurs du Togo, un concours de l’État togolais. La Startup s’appelait alors Géofabrik. Du 19 au 25 octobre 2014, notre ami Richard Komlan Folly est parti cherché la clé pour l’intégration de l’incubateur de l’Institut International de l’Eau et de l’Environnement (2iE) au Burkina Faso. Il s’était agi de la Green Startup Challenge, un concours de création d’entreprise sociale qui encourage la croissance verte en Afrique. O’GIS faisait partie des 10 projets retenus. Pendant une semaine nous avons travaillé sur le campus de 2iE à Ouagadougou au Burkina. Des rencontres personnalisées avec des mentors et des experts en SIG, et avec d’autres jeunes entrepreneurs / entreprises. http://www.2ie-edu.org/cest-parti-pour-la-2eme-edition-du-green-start-up-challenge-a-2ie/
Juste après cela, précisément du 27 octobre au 31 novembre passé, Richard a pris la route pour Lagos pour une tournée Ouest-africaine qui regroupait des entrepreneurs autour des TICs : Ampion Venture Bus West Africa. : http://ampionblog.tumblr.com/ , http://www.ampion.org/ L’essentiel des participants sont des codeurs, des designers, des business experts. Pendant une semaine, il a parcouru en bus aux côtés d’autres jeunes innovateurs le Nigéria, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire avec la participation à la grande conférence des Startups africains #MyAfricanStartUp, où vous aviez l’aviez d’ailleurs rencontré. Au cours de ce grand voyage entreprenante, il a visité des Hub, des espaces technologiques, et de travail collaboratif (Co-working Space), universités… . Ce petit parcours nous a permis de nous rassurer de la viabilité de la Startup, de recenser nos propres ressources, et de bien nous orienter. Notre équipe a grandi aussi avec des jeunes du Nigéria et du Bénin voisin qui s’y connaissent bien en géomatique. O’GIS promet de surprendre plus d’une personne !
StartupBRICS : Quels sont vos projets pour 2015 ? Vous voyez vous plus comme un incubateur ou une simple plateforme d’accompagnement ?
Minodoo : Comme perspective 2015 à minodoo, nous prévoyons formaliser les startups que nous développons de manière à donner une existence légale au niveau de la Chambre du Commerce et de l’Industrie du Togo (l’organe en charge des formalités de création d’entreprises au Togo). Il faut dire qu’à ce niveau le Togo a fait des avancées tout récemment avec la création du guichet une unique pour les formalités de création d’entreprise.
En 2015 nous serons encore plus proche des populations et territoires au Togo en déployant notre stratégie de « technologie porte-à-porte » à travers le projet « Open-Source Tours (OST) » que nous avons lancé du 19 au 21 décembre dernier à Kara, http://tinyurl.com/lryeryb. Imaginés sous forme de BootCamps, des ateliers ouverts de prototypage, de fabrication numérique et de bidouillage, les OST s’articulent autour de la philosophie du Logiciel Libre et des espaces de travail collaboratif, fortement définis par les valeurs d’entraide, de partage, de collaboration, de co-création et de biens communs. Le projet embarque d’autres projets Open-Sources comme:
-JerryDIT (www.youandjerrycan.org) pour encourager le mode de travail horizontal ; le « faire ensemble » prôné par Jerry et pour former à la maîtrise de l’outil informatique et pour le déploiement de solutions Open Source. Après chaque OST, les Jerry fabriqués sont laissés sur place pour servir aux communautés. Histoire de contribuer à la réduction de la fracture numérique au Togo.
-OpenStreetMap (OSM) : Le projet de cartographie collaborative nous permet former à la collecte et à l’édition de la base de données OSM des territoires/villes/villages qui accueillent l’OST.
-Wikimedia : Le Togo a très très peu de données sur Wikipédia. La plus grande encyclopédie Open-Source, Wikimedia nous permet d’éditer ensemble sur Wikipedia, avec les acteurs locaux, les pages des territoires/villes/villages où se tient un OST.
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