Reportage terrain de Samir Abdelkrim, à Nairobi (Kenya) à retrouver dans Startup Lions qui vient de sortir et qui est actuellement disponible sur Amazon
Mbithe Nzomo vient de souffler ses 24 bougies. Margaret Ochieng elle n’a pas encore 21 ans. En dépit de leur jeune âge, les deux amies font déjà partie de la crème de la crème des meilleurs codeurs informatiques de Nairobi depuis qu’elles ont rejoint Andela, une entreprise américaine qui recrute et forme des centaines de talents numériques en Afrique de l’Est. De Microsoft à IBM en passant par Facebook ou Oracle, les grands noms de la Silicon Valley s’arrachent chaque semaine les talents de Margaret, Mbithe en leur sous-traitant l’écriture de plusieurs milliers de lignes de code. Flairant un filon grandissant, Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, a décidé d’investir 24 millions de dollars pour acquérir une partie du capital d’Andela au début de l’été 2016 via sa fondation privée, la Chan Zuckerberg Initiative.
Je rencontre Mbithe et Margaret lors de mon passage sur le campus de l’académie Andela qui est situé à quelques rues des principaux Tech Hubs de Nairobi comme le iHub, GearBox ou le Nailab. Elles m’expliquent comment elles se sont rencontrés pour la première fois sur le campus alors qu’elle participait au Bootcamp d’admission “le plus sélectif d’Afrique”. Pour devenir officiellement “Andela Fellow”, il faut réussir tous les tests qui se succéderont pendant deux semaines et recueillir les meilleurs scores. Sur la ligne d’arrivée, seulement 0,5% des participants seront retenus sur un total de 50.000 candidatures envoyées depuis toute l’Afrique !
(Margaret Ochieng et Mbithe Nzomo racontent leur histoire dans les locaux Andela. Crédit Photo : Samir Abdelkrim)
Douée en mathématiques, Mbithe étudiait auparavant l’informatique à l’université Strathmore à Nairobi. Un parcours qu’elle ne poursuivra pas car elle estimait le contenu pédagogique trop théorique et le niveau technique trop peu élevé pour la rendre compétitive sur le marché du travail. C’est en participant à une conférence sur les nouvelles technologies à Nairobi qu’elle se fait approcher par un des “head hunters” d’Andela qui lui suggère de tenter sa chance et s’inscrivant en ligne et de passer les premiers tests de pré-sélection. “L’offre d’apprentissage proposé Andela était à l’opposé de tout ce que j’ai connu. Leur manière de placer le “problem solving” au coeur de tous leurs enseignements m’a attiré car cela n’avait plus rien à voir avec l’état d’esprit universitaire traditionnel”.
Margaret a quant à elle grandit et vécut loin de la capitale, dans une petite ville kényane située à 10 heures de route de Nairobi. A 19 ans, elle se passionne pour le numérique et décide d’auto-apprendre le langage HTML toute seule sur l’ordinateur que son petit frère lui prête, malgré les reproches de sa famille. A de nombreuses reprises, ses parents vont tenter de la dissuader de suivre cette voie. Mais elle tiendra bon, grâce au soutien et encouragements de son frère qui poussera Margaret à tenter sa chance lorsqu’elle découvre une publicité d’Andela sur un forum de geeks en ligne. Sans diplômes ni qualifications particulières en “computer science”, elle s’inscrit le soir-même et passe les premiers tests en ligne. “Quelques jours plus tard, j’ai reçu un email d’Andela m’invitant à passer un premier entretien de motivation par téléphone. Je n’y croyais pas, je pensais que c’était une mauvaise blague d’un ami ! J’ai compris que ma vie pouvait changer même si je n’avais pas les diplômes”. De guerre lasse, ses parents la laisseront partir à Nairobi vivre son nouveau destin.
Sur le modèle de la célèbre école 42 fondée par Xavier Niel en France, aucun diplôme, aucun bagage universitaire n’est préalablement requis pour candidater à Andela. Des candidats kenyans et ougandais seront même admis alors qu’ils n’ont jamais possédé d’ordinateurs de leur vie, fautes de moyens. “Certains de nos talents ont découvert l’informatique dans les cybercafés de leur quartier ou de leur village” précise James Ndiga, un des responsables du recrutement à Andela qui doit filtrer avec son équipe jusqu’à 1.500 candidatures kenyanes chaque mois. Comme Margaret, une majorité se sont auto-formés pendant de longues heures en regardant des tutoriels sur Youtube, ou en passant des semaines entières à s’entraîner sur des plateformes interactives où l’on apprend à coder gratuitement comme sur le site internet CodeAcademy. Mais si l’objectif affichée d’Andela est d’encourager la diversité des profils et la mixité entre les sexes, au final, l’académie ne retiendra qu’une très fine élite, en deux mots, les meilleur(e)s.
Le premier tir de barrage se passe sur internet où les candidats comme Mbithe et Margaret passeront quantité de tests logiques entrecoupés d’entretiens de motivation réalisées à distance avec l’équipe pédagogique. Après un premier écrémage, les heureux “short listés” seront invités à “camper” durant deux semaines sur le site de Nairobi afin d’être formés “à la dure” lors du Bootcamp final d’admission. Au menu : formation accélérée aux langages informatiques pointus tels que Python ou Django, succession de tests qui seront évalués en temps réel et une flopée de nuit blanches.
Déstabilisées au premier abord par la difficulté des épreuves techniques et le stress omniprésent, Margaret et Mbithe s’accrochent du mieux qu’elles peuvent durant les 14 jours du bootcamp jusqu’à finir en haut du classement. Pour les deux amies, une nouvelle vie commence. Elles seront rémunérées tout en se formant durant
4 années. Elles coderont en parallèle pour le compte des plus grands noms de la Tech internationale. “A la fin de leur cursus, elles seront libres de continuer à travailler pour nos clients en devenant Senior Developer Andela. Nous les encourageons également à voler de leurs propres ailes en montant leur propre start-up dans le digital” explique James Ndiga. La culture entrepreneuriale fait partie de l’ADN d’Andela, à l’image du nigérian Iyinoluwa Aboyeji, l’un des cofondateurs historiques de cet accélérateur de talents. Peu après la levée de fonds record réalisée par Andela auprès de Mark Zuckerberg, Iyinoluwa Aboyeji a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale en créant une nouvelle start-up dans les Fintech, baptisée Flutterwave et qui est aujourd’hui en plein expansion à travers le continent africain.
Que vaudra un développeur Andela sur le marché en 2019 ? James esquisse un sourire : “Vu le niveau qu’elles auront atteint, elles pourront travailler dans l’entreprise de leur choix, partout dans le monde car les compétences en code sont de plus en plus chères et demandées. Et si Margaret et Mbithe décident un jour de quitter Nairobi et le Kenya pour venir travailler dans la Silicon Valley, croyez-moi, ce sont-elles qui poseront leurs conditions ! ”.
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'A la découverte d’Andela, “l’Ecole 42” du Kenya !' has 1 comment
14 juin 2020 @ 13 h 50 min Ahmed Elyaagoubi
Bonjour pour la diaspora africaine qui fait de l’innovation et de la transformation digitale des leviers d’un développement durable pour l’ Afrique
J