A Bamako, utiliser le numérique pour préserver et transmettre l’héritage culturel malien

Boukary Konaté a un rêve, celui de permettre aux différentes générations – anciennes et futures – d’utiliser le numérique comme relais et comme témoin de la culture malienne, quelque soit ses formes : orales, visuelles, auditives. C’est pour cette raison qu’il a décidé de lancer une application mobile – « Quand le village se réveille » – qui compile et sauvegarde les plus beaux exemples de la tradition et de la culture malienne. Rencontre avec Boukary dans cette interview.

Quel est ton parcours ?

Je suis Boukary KONATE, enseignant-bloguer en Bambara-Français-Anglais, également traducteur dans ces langues. Mes activités de blogging s’intéresse surtout à la promotion des langues nationales, à celle des traditions et de la culture malienne via les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Je suis lauréat 2012 du prix spécial du jury des meilleurs blogs en Culture et Education de Deutshe Welle en Allemagne.

Comment as tu eu l’idée de te lancer dans ce projet de numérisation de la culture malienne ? Quel fut le premier déclic ?

L’idée m’est venue en tête suite aux constats des dangers de la disparition des pratiques traditionnelles et culturelles, surtout dans nos villages. Il m’est venu en tête alors de chercher un moyen de sauvegarder et de promouvoir le riche patrimoine culturel de mon pays sinon de l’Afrique, afin de mettre virtuellement en place, une base de données culturelles en faveur des futures générations qui n’auraient pas la chance de les apprendre auprès des vieilles personnes comme l’ont fait nos parents.

Le premier déclic a été le fait qu’à mon arrivée dans les localités dogons, des localités que j’aime beaucoup à cause de son patrimoine, j’ai fait le constat que les jeunes, au lieu de construire leurs maisons sur des collines comme l’ont fait les vieilles personnes, ont commencé à construire sur des terrains plats. Je me suis dit q’un jour, disparaîtront probablement, ces belles architectures culturales avec toutes leurs composantes du passé de cette ethnie qui a su bien conserver le passé des ancêtres jusqu’à nos jours.

Quelles solutions apportes tu avec cette application ? Et quel est ton modèle économique ?

La transmission du savoir africain, des traditions et de la culture est orale et se fait de bouche à oreille! Préoccupés par l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (Internet, téléphones, télévision, radio, des jeux vidéos) les jeunes n’ont plus le temps d’apprendre les traditions et la culture africaine auprès de leurs parents. Nous assistons alors à la disparition progressive de nos traditions et de notre culture, base de notre cohésion sociale et linguistique.

Ma startup a pour mission de conserver et de promouvoir via les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, ce riche patrimoine linguistique, matériel, immatériel malien. Il s’agit d’aller de villages en villages à travers le pays pour faire la photo des objets traditionnels et culturels en disparition, décrire leurs rôles dans la société; interviewer les vieilles personnes sur les pratiques culturelles anciennes et leurs avantages pour le monde d’aujourd’hui, surtout en faveur de la paix et de la cohésion sociale; produire des articles de blog et de vidéos sur des cérémonies traditionnelles et culturelles et publier tout cela sur le blog du projet afin de les mettre à la dispositions des jeunes et des amis de la culture malienne à travers le monde.

Aujourd’hui, les activités du projet reposent uniquement sur les efforts personnels de ses membres et sur les dons des personnes de bonne volonté. Mais, notre maître mot c’est: « Nous le voulons, nous le faisons, quel que soit le moyen ». Alors, le projet continue et nous faisons ce que nous pouvons avec le moyen de bord.

Quels obstacles as tu rencontré dans le développement de ton application, et comment y as tu fait face ?

Ce projet culturel nécessite le déplacement à travers le pays afin de rencontrer les sages dans les villages et d’échanger avec eux. A ce niveau, nous avons été butés à deux obstacles: le moyen de déplacement dans les différentes contrées culturelles et la pédagogie à appliquer auprès des sages pour une meilleure collecte de leur savoir.

Le premier obstacle qui concerne le déplacement sur le terrain a été solutionné par l’aide des internautes qui ont contribué au projet à travers un crowdfunding sur kisskissbankabank à la hauteur de plus d’un million ainsi que grâce au soutien du Ministère malien de la culture. Ces fonds ont servi aux frais de déplacement, d’hébergement et de restauration des agents sur le terrain à la quête du patrimoine culturel.

Un autre obstacle pouvait se situer au niveau du contact avec les vieilles personnes dans les villages. Vous savez, en matière de transmission de savoirs traditionnels et culturels, les vieilles personnes s’ouvrent difficilement aux jeunes et ils sont surtout beaucoup plus méfiants quand ils ne connaissent pas avec qui ils ont à faire. A ce niveau, tout est important : la façon de s’habiller, de marcher, de saluer, de s’assoir, de parler. La solution à cette difficulté a été le fait d’être né et avoir vécu dans des milieux pareils avec les mêmes pratiques. Nous connaissons ces notions et savons les mettre en pratique auprès des sages pour les rassurer et les mettre en confiance. Cette notion du respect des règles d’obtention du savoir avec les sages, ajouté au fait d’être enseignant, a beaucoup facilité le contact avec les détenteurs des traditions africaines et d’avoir une large ouverture. «Ce que vous faites est noble et important pour la sauvegarde de notre patrimoine. Avant, ça se transmettait sur les lieux de causeries avec les jeunes, mais de nos, les jeunes n’ont plus le temps de les apprendre. Ils sont toujours préoccupés par d’autres choses. Chaque moment a ses réalités. Que faire ! », S’expriment parfois en ces termes à la fin de nos entretiens avec eux. Ces phases montrent la satisfaction des vieux de ce que nous faisons et démontre également leur inquiétude par rapport à la disparition de nos valeurs traditionnelles et culturelles


Consultant, Blogueur et Fondateur de StartupBRICS (www.startupbrics.com), Samir Abdelkrim a lancé #TECHAfrique en avril 2014 : une aventure entrepreneuriale à la rencontres des startups africaines et des acteurs qui font battre le pouls de l'Afrique 2.0


'A Bamako, utiliser le numérique pour préserver et transmettre l’héritage culturel malien' have 3 comments

  1. 2 octobre 2016 @ 23 h 49 min A Bamako, utiliser le numérique pour préserver et transmettre l’héritage culturel malien | QUAND LE VILLAGE SE REVEILLE

    […] L’intégralité de l’interview à lire ici […]

    Reply

  2. 3 octobre 2016 @ 19 h 39 min Thomas Hervé Mboa Nkoudou

    Un grand merci à Boukary Konaté, je pleure de joie en lisant cet interview. Ce qu’il dit me réconforte dans mes idées que j’ai proposées dans un article pour la revue éthique publique de l’ENAP de Québec: Stratégies de valorisation des savoirs locaux africains : questions et enjeux liés à l’usage du numérique au Cameroun (https://ethiquepublique.revues.org/2343)

    Reply

  3. 2 décembre 2016 @ 21 h 05 min Rising Voices » How to Use the Internet to Protect and Pass on Traditions to Malian Youth

    […] Tech Africa's Samir Abdelkrim told Global Voices more about how the project came into being: […]

    Reply


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